Revenant travailler en France après des débuts professionnels à Londres, je me vis poser la question suivante lors d’un rendez-vous commercial: « Votre offre, est-ce un logiciel ou un progiciel? ». Je présentais alors le « software » d’un éditeur anglo-saxon, et la distinction m’était alors tout à fait inconnue. Dans mon esprit, un logiciel était naturellement un… progiciel (les plus anciens auront suivis, pour les autres, un détour sur wikipedia fera l’affaire!).
Près de 15 ans plus tard, la distinction française entre progiciel et logiciel est abandonnée. Tout le monde parle de logiciel. Lequel recouvre d’ailleurs aujourd’hui des réalités très différentes, entre du logiciel spécifique, du logiciel « produit » et du logiciel service, le fameux SaaS qui aujourd’hui éclipse l’ancien pro(duit-lo)giciel.
L’essor du SaaS pose cependant question, au sens où il opère un transfert de compétence complet de l’entreprise cliente vers le fournisseur de services. Avec le couplage de la fourniture de l’infrastructure et de la livraison de l’applicatif, il devient extrêmement difficile de changer de fournisseur. Autant dire que le coût de possession à long terme d’une solution en mode SaaS peut largement excéder les bénéfices immédiats que l’on peut en retirer en terme d’agilité (j’ai dans un précédent article fourni un examen critique de l’argument du coût généralement associé au Cloud).
De plus, le choix du SaaS tient souvent beaucoup trop à une volonté de se débarrasser d’un ou plus généralement du problème informatique. Magie sans cesse renouvelée de l’externalisation… Plus précisément, la difficulté à intégrer et opérer l’informatique de l’âge Microsoft amène à penser la période actuelle avec les mauvais outils conceptuels. Hors la situation a complètement changé, avec l’émergence de l’open source et de techniques de développement logiciel rapide fondées sur les normes du web. Aucun risque donc de reproduire les erreurs du passé…
Paradoxalement, c’est ainsi au moment précis où le développement logiciel spécifique devient enfin accessible que de nombreuses entreprises se détournent de cette voie. Hors c’est un risque majeur de perte d’indépendance et de compétence, à l’heure où l’informatique devient « context-aware » et prédictive. De support à des gains de productivité, l’informatique sera de plus en plus au coeur de la stratégie de compétitivité des entreprise, avec une exploitation intensive des données (en particulier celles issues de l’interaction client). C’est le concept de « data driven applications », lesquelles sont par nature « spécifiques », au sens où elles sont étroitement liées au métier de chaque entreprise.
Le véritable enjeu pour les DSIs, aujourd’hui, est donc de proposer à leurs utilisateurs des « data driven applications » fondées sur la richesse informationnelle propriétaire de chaque organisation. Et dans cette perspective, il est impératif de maintenir un niveau adéquat de compétence en interne, et en particulier de maitriser la pile technologique nouvelle composée des méthodes nouvelles de traitement des données du « Big Data » et des outils de développement et de visualisation issus du web.
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