Alors que l’actualité « tech » est dominée par CES, ce premier billet de l’année est l’occasion de revenir sur l’impact des réseaux sociaux. 2013 a vu l’entrée à l’âge adulte de ceux-ci, avec d’une part les très bons résultats financiers de Facebook et le succès de son développement dans le mobile, et d’autre part l’introduction en bourse de Twitter. En parallèle, les réseaux sociaux sont devenus un vecteur de communication toujours plus important pour les entreprises, et LinkedIn fait régulièrement la preuve de ses ambitions dans le domaine.
Dans ce contexte, les nombreux échecs des initiatives de réseaux sociaux d’entreprise interpellent. Comme si une fatalité existait pour ce type de solutions qui pourtant sont largement inspirés des réseaux sociaux grand public. La question de la taille / l’effet d’échelle ne me semble pas à cet égard déterminant. Là où Facebook, Twitter et LinkedIn sont engagés dans une quête de couverture de l’ensemble de l’humanité, le RSE doit certes se contenter de quelques dizaines de milliers d’utilisateurs tout au plus. Mais c’est autant une chance qu’un handicap, avec une prioritisation de la qualité du contenu par rapport au recrutement de nouveaux utilisateurs.
Beaucoup plus importante in fine est l’inadéquation structurelle entre des réseaux sociaux fondés sur la notion de flux et la réalité du travail en entreprise. Par définition, le flux est continu et sans fin. Chaque participant au réseau social se doit de l’alimenter, avec donc des contributions parfois pertinentes, mais le plus souvent d’intérêt mineur. Le réseau social reste largement le domaine de l’anecdote. Au sein même d’un réseau social professionnel comme LinkedIn, les blagues de cour de récréation dominent les « updates » apportant un contenu éditorial ou informatif et les messages publicitaires. A titre personnel, je préfère d’ailleurs encore une annonce publicitaire à la énième publication d’un dessin humoristique…
Hors cette présentation sous forme de flux « plat », avec une faible différentiation de la valeur des messages, est antagoniste avec l’organisation du travail en entreprise. Celle-ci est fondée sur la division du travail global à réaliser en tâches, auxquelles sont associés des métriques de réalisation. C’est en fonction de l’accomplissement de ces tâches que le salarié est évalué, et plus important, qu’il va pouvoir considérer avoir terminé (ou non!) son travail. Le travail, et la journée de travail, sont des entités « finies », et il est possible de cocher les tâches accomplies. Un réseau professionnel fondé sur la notion de flux introduit de l’incertitude dans cette organisation rassurante: n’ai-je pas raté un message ou une « update » importants? Lorsque je me déconnecte, le flux continue, imperturbable et je suis donc perpétuellement en retard…
La notion de flux me semble dans un environnement professionnel largement anxiogène. Loin d’aider le salarié à établir au mieux ses priorités à travers une meilleure information, elle apporte de la confusion, ignore complètement la barrière entre travail et vie privée et contribue à affaiblir encore cette dernière. La salarié est déboussolé. Beaucoup plus que les réticences souvent incriminés à partager l’information entre services, l’inadaptation de la notion de flux au travail en entreprise me semble largement expliquer les réticences des utilisateurs envers ces nouveaux outils. Difficile de leur donner tort au stade actuel de développement des réseaux sociaux d’entreprise…
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