Autant le succès de Dropbox peut être considéré comme spontané, conséquence naturelle d’une solution particulièrement facile à prendre en main et utiliser, autant le développement de Box relève d’une logique différente, caractéristique du mode de développement des start-ups logicielles de la Valley.
Tout d’abord, gardons à l’esprit que la croissance actuelle de Box repose sur un échec. Créée plus d’un an avant Dropbox, la société a échoué à s’imposer sur le marché grand public face au développement exponentiel de son grand rival. Quatre après sa création, le chiffre d’affaires de la société culminait donc à 5M de dollars, avec un risque fort de marginalisation sur le marché grand public. Box s’est donc tournée à partir de 2009 vers le marché entreprise. Ce pivot s’est concrétisé par l’arrivée à l’été 2010 de Dan Levin au poste de COO. Loin d’être mise à l’écart, Aaron Levie a alors conservé son poste de CEO, choix judicieux s’il en est car il a permis d’associer l’image rafraichissante de son fondateur à celui de la société.
Voilà donc un éditeur de logiciels pour entreprises avec en tête d’affiche un fondateur jeune, dynamique et bondissant. Belle histoire à raconter, et Box va en jouer largement. S’inspirant de la stratégie de Salesforce, Box va donc s’atteler à délivrer de manière consistante et répétitive un message simple: nous sommes l’alternative sécurisée, pour les entreprises, à Dropbox (et le leader incontesté sur ce segment!). Peu importante que le produit soit resté longtemps bien en deçà de son marketing (cf. la performance de Box Sync par exemple), que les chiffres annoncés soient parfois sujets à caution ou que la pénétration auprès des grandes entreprises soit demeurée anecdotique, le message était martelé avec une telle vigueur et insistance qu’il a progressivement sédimenté.
En parallèle, Box a été précurseur dans la mise en place d’une politique de partenariats avec d’autres fournisseurs SaaS (Salesforce, SugarCRM, Netsuite). Cette stratégie est intéressante à trois niveaux:
- Elle a permis à Box d’engranger de nouveaux clients, surtout des SMEs, en dépit d’un produit par ailleurs peu différencié pour un usage classique de partage de fichiers;
- Elle a significativement amélioré la visibilité de Box, sa légitimité et son positionnement concurrentiel sur le marché « entreprise »;
- Elle a fourni le socle pour le développement progressif de ce qui sera (est?) le coeur de l’offre de Box, c’est-à-dire la plateforme Box.
Box reste à mon sens aujourd’hui, en dépit de la récente levée de fond de 100M US$ réalisée et d’une probable IPO en 2014, un acteur fragile face à la concurrence de Google, de Microsoft et d’un Dropbox plus agressif sur le marché entreprise. Surtout, la croissance obtenue l’a été à crédit, au fil de levée de fonds successives. Au-delà de l’image joviale renvoyée par Aaron Levie, j’imagine assez une organisation constamment sur le fil du rasoir: entre le communiqué de presse P&G de l’été 2011 et celui annonçant la signature d’un contrat de 11M$ avec Schneider Electric – par ailleurs un fournisseur de Box – en mars 2013, les annonces de déploiements clients significatifs ont ainsi été rares.
Cela n’empêche pas d’être admiratif devant la qualité de l’exécution au cours des trois dernières années. D’un produit relativement indifférencié, Box est devenu un acteur qui compte, avec une équipe rassemblant des pointures comme Sam Schillace (le concepteur de Google Docs), une visibilité certaine sur le marché entreprise, et une stratégie ambitieuse (« verticalisation », application de prise de notes, outils de visualisation de contenu, plateforme de développement).